Compte-rendu du Congrès

"Inconditionnel et assurant l’existence: le revenu garanti comme droit de l’homme."

Bâle (Suisse), 5-7 octobre 2007 à l’université de Bâle, Petersplatz


Par Angelika Gross (Coorditrad, Paris)


Organisateurs: www.grundeinkommen2007.org


Axes thématiques :

1. Le revenu garanti en tant que droit de l’homme (de l’être humain)

2. Débat sur la notion de travail et l’idée de l’homme sur fond d’un revenu garanti

3. Les régimes d’assurance sociale de socialisation par l’emploi – avantages et désavantages. Avenir de la chose publique si l’emploi n’est plus au centre

La socialisation non centrée sur l’emploi est-elle imaginable ?

4. Les régimes d’assurance sociale et de welfare :

- Comment peuvent-ils évoluer vers un revenu garanti ?

- Serait-il possible de développer un revenu garanti intégrant les différents régimes de welfare ?

5. Evolution des politiques du marché de la main d’œuvre et de l’emploi – critiques de cette évolution

- Workfare

- Travail précaire / actifs pauvres (working poor)

- Modifications des rapports de travail

6. Modèles de financement du revenu garanti

(la dimension du genre doit accompagner toutes les discussions et être abordé dans chacun des ateliers pour tenir compte de la situation particulière des femmes)




Vendredi, 5 octobre


Ouverture du congrès à 17h par Ueli Mäder, professeur à l’Institut de sociologie de l’Université de Bâle. Je traduirais l’intitulé de son discours librement par «André Gorz est mort, que vive sa pensée». Il y rend hommage aux penseurs du revenu garanti, depuis Thomas Morus (Utopia, 1516) à André Gorz, penseur français du revenu social qui a volontairement mis fin à ses jours le 24 septembre 2007, à l'âge de 84 ans.

[N.B. La vie et la pensée d’André Gorz est décrite dans un article de Wikipédia duquel je me permets de citer ces « quelques lignes consacrées à sa femme en 2006 dans le livre Lettre à D. Histoire d'un amour, une ode à Dorine. Extrait:

« [...] Tu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais. Récemment, je suis retombé amoureux de toi une nouvelle fois et je porte de nouveau en moi un vide débordant que ne comble que ton corps serré contre le mien [...] Nous aimerions chacun ne pas survivre à la mort de l'autre. Nous nous sommes souvent dit que si, par impossible nous avions une seconde vie, nous voudrions la vivre ensemble. »]

Peter Streckeisen d’Attac CH présente la tribune et rappelle la règle des 3 minutes de temps de parole pour chaque intervenant.

Les débats commencent par une contribution de Rolf Küttel (B.I.E.N.-ch) sur l’importance de porter la discussion sur le RGI au niveau de la démocratie directe (lire en France : democratie locale ou participative). Enno Schmidt présente l’Initiative Grundeinkommen et l’Unternehmen Mitte Bâle dont l’objectif est de lancer la discussion publique sur le revenu garanti. Il souligne la nécessité de repenser collectivement la société. La démocratie directe semble être la forme la plus adéquate pour réaliser un tel débat, mais à ce jour en Suisse, le revenu garanti ne rencontre qu’un écho faible. Se réfère à Thomas Paine.

Avji Sirmoglu est coordinatrice du congrès de Bâle sur le RGI. Elle a rejoint Attac CH il y a 1 an et ½, et y participe à élaborer l’aspect global du RGI, elle s’y est engagée pour faire avancer une politique sociale plus juste, des conditions de travail et de vie plus justes, et la responsabilité sociale mutuelle.

Harald Rein et Anne Allex (BAG SHI e.V.) présentent le mouvement des chômeurs en Allemagne. Harald Rein décrit la situation sociale des personnes sans emploi et leur révendication d’un revenu garanti inconditionnnel, sans cette obligation humiliante de justifier d’un dénuement qui conditionne aujourd’hui l’accès aux aides sociales. Il insiste pour dire que l’Allemagne est un des pays les plus riches au monde, souligne le fetischisme des chiffres et la manipulation des statistiques en faveur d’un mécanisme qui rend les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres. Les mouvements des sans emploi en Allemagne luttent pour un SMIC, la réduction du temps de travail et un revenu d’existence, il faut se bouger pour que les révendications se réalisent.

Anne Allex souligne le rôle que peut jouer l’introduction d’un RGI dans une réforme des régimes des allocations sociales allant dans le sens d’une véritable aide sociale et non pas d’une mesure d’incitation au travail forcé. Le RGI représente un droit humain à être nourri et à participer à la socialisation.

Le sociologue autrichien Christian Fuchs (université Salzburg, Attac at, Netzwerk Grundeinkommen und sozialer Zusammenhalt) constate que le débat sur le revenu a atteint un niveau transnational. Il soumet le modèle de financement du RGI de Götz Werner a une analyse critique et y dénonce le danger d’un flux des richesses non du haut vers le bas, mais au contraire, du bas vers le haut.


Après la pause, une deuxième tribune s’installe, celle des organisateurs du congrès. Se présentent Rolf Küttel (B.I.E.N. ch), Albert Jörimann (vice-président de B.I.E.N. ch), Ronald Blaschke (Netzwerk Grundeinkommen de), Peter Streckeisen (Attac ch), Werner Rätz (Attac de) et Klaus Sambor (Attac at).

Au sein d’Attac, Rolf Küttel et Klaus Sambor participent tous deux à un groupe thématique sur le revenu garanti comme élargissement progressif de l’état social. Sollicité par Rolf Küttel, Klaus Sambor prend clairement position en faveur d’une responsabilité de chacun, indique le lancement d’un projet de recherche avec simulations et des résultats positifs, permettant de faire percer d’autres formes de pensées.

Pour Albert Jörimann, l’introduction d’un RGI s’impose depuis longtemps, il est indispensable de dire oui à l’existence humaine. Nous devons apprendre à être en mesure de prendre en main notre liberté et créer une existence décente. Il n’est pas possible de ne pas bouger, le RGI est un moyen de le faire.

Ronald Blaschke rappelle la date de la chute du Mur de Berlin, là aussi, il s’agissait d’une lutte pour la liberté. Aujourd’hui, nous devons reprendre une discussion qui a été abandonnée, œuvrer dans le sens d’une chute du Mur invisible dans nos têtes, aller vers la réalisation d’une utopie concrète en termes d’Ernst Bloch, proposer des modifications de lois déjà existentes, décrire les possibilités présentes au quotidien comme l’avait fait André Gorz. Peter Streckeisen rappelle qu’il s’agit d’aller au-delà des scissions d’ordre idéologique, de ne pas s’installer dans la pensée à court terme, dans un réalisme du renoncement, mais se reposer la question sociale à l’instar de Robert Castel, et se demander dans quel sens avancer pour réaliser notre utopie sociale. Un autre monde est possible et nécessaire. Si le RGI est un moyen de redistribuer les richesses, il s’agit également de redistribuer le travail, qu’il soit payé ou bénévole. Il s’agit également de se réapproprier les conditions de vie et de production, mais au préalable, s’autoriser à penser à voix haute, la possibilité d’un autre monde.

Pour Werner Rätz, il est très urgent et indispensable de soumettre le modèle proposé par Dieter Althaus à une analyse critique et de lutter contre l’hégémonie idéologique d’un modèle dans les têtes. La surexposition médiatique de certains modèles nuit à la refléxion. Eventuellement, il faudrait les rébaptiser pour empêcher de nuire le processus de refléxion en cours.

Intervention d’un participant de langue espagnol, Manolo Saez (coordination nationale espagnole renta basica Baladre). Il souligne l’importance du modèle de la « renta basica des eguales », fondé en 1999 par la Déclaration de Barcelone, affirmé en 2002 à Malaga et réaffirmé en 2004 par la 2e Déclaration de Barcelone. En 2006, à Hambourg, une proposition plus détaillée du modèle espagnole a été présentée sous le nom de « revenu de base des égaux » (Grundeinkommen der Gleichgestellten).

Ronald Blaschke insiste pour dire que la valeur suprême est la liberté de la personne, peu importe le modèle. Vraiment important est l’incontestabilité de la protection sociale, c’est pourquoi le monde doit se refaire d’abord dans les têtes.

Klaus Sambor rappelle l’idée de société civile, la recherche des bonnes pratiques, la lutte contre l’usage illicite de capital.

Interventions du public : Quel était notre objectif il y a quelques années? Plus de travail ou moins de travail ? C’est quoi, une vie réussie ? Nous savons comment vont les autres, mais les autres, savent-ils comment nous vivons ? Il est indispensable de repenser l’usage que nous faisons de l‘argent, mais il y a beaucoup de peurs liées à ça. Casser la tirelire pour donner l’argent à l’autre? Il y a des resistances, il existe une dimension psychologique non négligeable. Connaissez-vous l’histoire de Tom Sawyer qui devait peindre une grille, et comment il a réussi a transformer la punition en atout ? Qui sont les maîtres de la société de l’emploi ? Sont-ils conscients des conséquences des décisions pour les autres ? Qui peut révendiquer avoir eu une éducation aimante ? Il existe un droit de vivre. Quels sont les obstacles qui empêchent de penser un autre monde ? Avant tout, l’ignorance. Parler aux autres nous fait évoluer, mais la contrainte nous fait regresser.




Samedi 6 octobre.


Les ateliers parallèles prévus dans 5 salles démarrent à 9h30. La pause est à 11h30. Ceux de l’après-midi reprennent à 13h. A 15h30, grande réunion de réseautage pour tous dans l’Auditorium

Les ateliers :

1. Régimes d’assurance sociale et de welfare en Europe. Analyse et critique. Par Beat Ringger (Denknetz online, syndicat vpod ch) et Ingmar Kumpmann (IWH Halle et Netzwerk Grundeinkommen de) Présentation Sarah Schilliger

2. Analyse de la situation du marché de la main d’œuvre et de l’emploi. Par Kurt Wyss (sociologue), Ch. Magnin (sociologue), Harald Rein (sociologue). Présentation Avji Sirmoglu

3. Financements possibles pour les RGI. Par André Presse (Institut für Entrepreneurship Karlsruhe et Unternehmen Mitte) Stefan Wolf (Die Linke.BAG Grundeinkommen de) Michael Nollert (Institut für Soziales Uni Freiburg). Présentation Peter Streckeisen

4. Le travail professionnell comme centre de la socialisation : lumières et ombres. Par Robert Ulmer (Netzwerk Grundeinkommen de), Werner Rätz (Attac de), Manfred Füllsack (sociologue), Alex Demirovic (philosophe). Présentation Johannes Gruber

5. Politique sociale : le RGI comme politique d’infrastructure. Par Heinz Steinert (Goethe-Universität Frankfurt, links-netz de), Christian Zeller (Attac ch), Gangolf Schüssler (ksoe et Netzwerk Grundeinkommen und sozialer Zusammenhalt at). Présentation Iris Widmer


J’ai assisté au premier des ateliers, sur les régimes d’assurance sociale (dont j’ai loupé l’introduction).

Ingmar Kumpmann pose la question de la suppression des régime des rentes ou de la sécurité sociale en échange de l’introduction d’un revenu garanti/

L’assurance sociale peut être financée de 2 manières : sur la base d’une répartition d’impôts et sur la base d’une répartition de cotisations. Elle permet de sauvegarder le niveau de vie.

Ingmar Kumpmann présente le modèle d’une assurance de la vie, financée par les impôts, assortie d’une assurance de sauvegarde du niveau de vie, financée par des cotisations. Il appellerait RG la première et RG complémentaire la seconde. Le RG serait plafonné, alors que le RGC servirait de complément pour sauvegarder le niveau de vie.

L’introduction d’un tel modèle supposerait de séparer l’assurance de l’existence de la cotisation sociale obligatoire liée à un contrat de travail. Chaque cotisation supplémentaire à l’assurance de sauvegarde du niveau de vie élèverait automatiquement le niveau de la rente complémentaire. Ce modèle serait transférable à l’assurance chômage.

Interventions du public :

- Il s’agit d’un modèle néolibéral. Le modèle ne tient pas compte des personnes sans emploi ou démunis. Il faudrait coupler le RG à l’impôt sur les revenus du capital et non pas à l’impôt sur les revenus du travail. Ainsi on peut obtenir un effet rétroactif sur le produit national brut.

- Il s’agit d’un modèle d’issu d’une pensée masculine. Pour cotiser, il faut travailler. Pour un couple marié, celui qui cotise reçoit une rente complémentaire, pour voir ses droits augmenter on est obligé de travailler plus. En cas de divorce, les deux partenaires ne sont pas égaux, que faire si l’on travaille bénévolement ? Et que faire si l’on doit accepter un travail à temps partiel ? Le modèle est trop proche de Hartz IV, et pour les femmes, le RG ressemble trop à une prime de retour au four (Herdprämie).

Beat Ringger récuse toute proposition de travailler à plein temps pour un salaire de temps partiel. Il s’est engagé, avec les membres du réseau Denknetz, dans la lutte pour une réduction des années de travail donnant droit à la retraite. Il essaye de voie plus clairement ce qui se passe au niveau des différents logiques de financement de l’assurance sociale en Suisse.

L’assurance vieillesse (AHV) est financée par cotisations obligatoires indépendantes du contrat de travail. L’assurance maladie (KV) est financée par des primes, et également indépendante du contrat de travail. Il existent des calculs ouvrant droit à une réduction de la prime. L’avantage de ces deux assurances est leur indépendance du contrat de travail. C’est le principe même de l’assurance.

Il existent des systèmes de capitalisation, d’épargne. Troisième point, réduire les années de travail. En Suisse, 26 cantons sont compétents en matière d’aide sociale. Il existent des directives, mais les politiques bourgeois les interprètent à leur guise. Le besoin de base d’un ménage suisse s’évalue à 960,00 francs, comprenant les frais de logement et les dépenses pour la protection maladie. Le calcul s’oriente au niveau de vie des 10% des ménages les plus pauvres (au lieu de s’orienter à la moyenne du coût de la vie). Le montant forfaitaire pour le revenu est de 400,00 francs, le montant forfaitaire pour l’intégration de 100,00 francs).

La politique sociale proactive (workfare, aktivierende Sozialpolitik) s’appuie sur le principe de la contrepartie, il s’agit d’un système de primes et de sanctions. Elle mène à l’exclusion de demandeurs d’asile déboutés de leur demande, et finalement à leur reconduite à la frontière. Il est temps de se prononcer pour le droit à la paresse et contre le travail forcé.

Interventions : En Autriche, les allocations jeune enfant s’arrêtent à partir de 18 ans. La relève est prise par l’assurance chômage, mais pour avoir droit aux prestations, il faut avoir 12 mois de cotisations pendant les derniers 2 ans.

Beat Ringger : Il existe également l’assurance invalidité (IV). Elle constitue le 2e socle de l’assurance sociale en Suisse. Il s’agit de prestations complémentaires. Mais en juin dernier, les prestations biographiques ont été supprimées. Aussi, le processus pour établir les critères d’invalidité est de plus en plus intrusif. Les demandeurs de l’IV atteints des troubles d’ordre psychique par exemple se trouvent exposées face à un moulin à dépréciation.

Il faut lutter contre le travail forcé, pour l’existence d’un salaire minimal et pour un revenu citoyen garanti à tous. Le syndicat des services publiques suisses lutte également pour la réduction du temps de travail, à savoir 3 années sabbatiques, la semaine de 4 jours, 8 semaines de congé, pour une salaire minimum de 3500 Fr. Il faut une assurance unitaire en cas de perte d’emploi et non pas une police sociale.

Ensemble, nous devons reconquérir le travail.


Les ateliers de l’après-midi :

1. Modèles évoluant en direction d’un RG. Avec Eric Patry (Institut für Wirtschaftsethik université St. Gallen et B.I.E.N. ch), Herbert Rauch (Institut für Sozialanalyse, Vienne). Présentation Frank Winter

2. Arguments et déductions de l’analyse pour un RG. Avec Christian Brütt (politologue, Institut für Sozialwissenschaften, Berlin), Mag Wompel (sociologue industriel LabourNet), Dietmar Köhler (Netzwerk Grundeinkommen und sozialer Zusammenhalt at) Présentation Robert Ulmer

3. Autres modèles de financement. Avec Wolfgang Willner (Institute for Nature Conservation, Vienne), Bernard Kundig (sociologue industriel, B.I.E.N. ch), Roman Kuenzler (étudiant IUHEI Genève, Attac ch) Présentation Klaus Sambor

4. Formes de socialisation non centrées sur l’emploi. Avec Werner Steinbach (Attac de), Margit Appel (Netzwerk Grundeinkommen und sozialer Zusammenhalt at), Nicole Lieger (L. Boltzmann Institut für Menschenrechte at). Présentation Johannes Gruber

5. Formes d’emploi du terme Revenu Garanti dans les discours. Quelles significations ? Avec Rolf Küttel (sociologue, B.I.E.N.), Dagmar Paternoga (Attac de), Erick Kitzmüller (sociologue, Université Klagenfurt, Netzwerk Grundeinkommen und sozialer Zusammenhalt at), Ronald Blaschke (Netzwerk Grundeinkommen de). Présentation Günter Sölken


J’ai participé à l’atelier sur les formes de socialisation non centrées sur l’emploi
(nicht erwerbszentrierte Formen der Vergesellschaftung).

Margit Appel aborde la socialisation en introduisant la perspective féminine. Les femmes connaissent une double socialisation, celle par le travail professionnel et celle par le « travail de sorcières » (Kehrarbeit). Les activités du domaine du « travail de sorcière » ne sont pas payées. Par contre, elles sont moralement surévaluées et en même temps, assorties de sanctions possibles pour les personnes qui abandonneraient ces activités. Un travail non rémunéré, est-il rentable pour les femmes ? Margit Appel soutient que le domaine du « travail de sorcières » ne mène pas à l’intégration sociale des femmes. Elle soutient que les femmes n’ont pas pleinement accès à la citoyenneté, à la liberte d’expression, à la réunion en association, à la protection de leur vie. Les mères ayant un ou plusieurs enfants à charge n’ont droit le plus souvent qu’à une accumulation de sommes faibles de type argent de poche, comme la pension alimentaire,l’allocation monoparentale, l’allocation pour jeune enfant. Dans le couple, elles occupent le plus souvent le rôle de celui ayant un salaire inférieur.

Il existent des moyens efficaces de sanctionner tout tentative de quitter le domaine du « travail de sorcières », étant donné la non-existence d’une représentation politique du domaine du travail bénévole. Il n’y a pas de politique éducative efficace pour que les femmes apprennent à gagner de l’argent et à disposer de leur propre l’argent. Les conséquences sont un risque élévé de paupérisation féminine (avec glissement vers la prostitution), une forte pression adaptative, une absence de conscience du coût du travail bénévole, une forte limitation dans les choix de vie.

Intervention du public : comment peut-on mesurer le temps bénévole ? Il suffit de chercher à se faire remplacer pour en connaître la valeur. Il existent des études sur le nombre d’heures passées avec telle ou telle autre activités. Ces études montrent que le volume d’heures de travail bénévole est largement supérieur au volume d’heures de travail rémunéré. Le travail bénévole n’est pas un destin féminin, on peut se battre pour que les ressources dans une famille soient réparties plus justes, lutter contre les modes convenus de penser.

Pour les femmes pauvres, le travail est séparé du revenu, mais dans ce cas, le revenu est une allocation, le travail fait reste sans rémunération. A quoi pourrait-on mesurer une amélioration de la situation des femmes ? Par exemple, en ce qui concerne les soins, les femmes âgées sont moins bien traitées que les hommes. Un empowerment ? Un RGI pourrait améliorer la situation économique et sociale des femmes. Il donnerait la liberté de quitter les rôles du domaine du « travail de sorcières » : avoir le droit de ne pas s’occuper du ménage, des membres de la famille, de ne pas être obligée à travailler, ni de façon remunérée, ni de façon non rémunérée. Les femmes pourraient décider librement ce qu’elles aimeraient faire de leur temps, le consacrer à quoi. Il convient de mettre au centre de la discussion ce « travail de sorcière », souligner l’apport des femmes au coût social.

Nicole Lieger élargit le débat en introduisant un modèle qui rend visible la place qu’occupe le travail monétarisé et non monétarisé dans l’économie actuelle. Il s’agit d’un modèle (assez dantesque, ndr) à cercles concentriques dont le noyau représente le domaine de l’économie monétarisé. Le premier cercle est celui de l’espace sans argent, celui de l’économie propre (éducation, travail au foyer). L’anneau extérieur représente l’agriculture. Sa démarche consiste à rendre conscient notre rapport au temps qui prend de la valeur au moment où il manque. Aujourd’hui nous considérons le domaine monétaire comme le domaine central et essentiel, la question se pose jusqu’à quelle dimension nous voulons dilater son expansion. En fait, qui consomme le travail bénévole ?

Intervention du public : Travail, c’est ce que l’on fait. Il faut que nous définissions ce que nous voulons reconnaître comme travail. Quel critère pour distinguer travail et activité ? Autre question : Qu’est-ce qui fait que la vie d’une personne a de la valeur ? Qu’une personne a de la valeur ? Les hommes sont prêts à rendre service, mais il ne sont pas prêts à rendre un travail non rémunéré. C’est un calcul quantitatif.

Intervention d’un membre d’une initiative allemande pour le travail autodéterminé : regardez Jérémy Riffkin et les comptes du temps. Regardez l’économie solidaire. Comment imaginer que le cercle en expansion serait celui du travail bénévole ? Car ce que je fais pour moi-même chez moi n’est pas encore socialisé. Donc, comment la collectivisation (Gesellschaftlichkeit) naît-elle? Elle naît de la rencontre entre les personnes et des processus engendrés par ces rencontres. Ces processus peuvent être sous-tendus par une pensée en termes de rareté. Alors, le processus de collectivisation s’arrête et nous plongeons dans la dépression. Si les processus sont sous-tendus d’une pensée en abondance, ces processus s’épanouissent. Dans ce cas, travail peut aussi être considéré comme un cadeau fait à autrui, c’est l’économie du don.

Intervention du public : les conditions de départ ne sont pas les mêmes des deux côtés. Le droit d’être pris en charge par l’autre n’est pas garanti. Nous avons tort de réduire la réflexion à une pensée en termes d’incitation, le mouvement spontané vers l’autre et l’initiative existe à tout moment.

Informations en séance plénière: le prochain congrès sur le RGI aura lieu à Berlin, en octobre 2008. Il est possible d’afficher les thèmes à aborder au tableau noir ou envoyer un email à contact@grundeinkommen.de

Soirée : 1ere séance plénière au Volkshaus Basel: Discussion avec les représentants des initiatives des sans emploi. Présentation Harald Rein (sociologue Frankfurter Arbeitslosenzentrum FALZ)

1. Perspectives politiques du RGI

Par Wolfgang Schmidt (secrétaire général Verein ArbeitslosensprecherIn, Vienne)

Peter Gach (Verein ArbeitslosensprecherIn et SHG für Menschen in schwierigen Lebenslagen, Vienne), Anne Allex (Runder Tisch gegen Erwerbslosigkeit und soziale Ausgrenzung), Ingrid Wagner (V.E.T.O., Radio Dreyeckland), Avji Sirmoglu (Armutsliste/Liste 13, SPAR, Internetcafé Planet 13, Bâle), Manolo Saez (Baladre, es)

Manolo Saez présente un aperçu de l’histoire politique de l’Espagne et son évolution depuis l’époque fasciste ainsi que le cadre dans lequel s’inscrit le travail de Baladre. La « coordination nationale espagnol contre le chômage, la pauvreté, l’exclusion, la précarisation et pour le droit à un revenu d’existence » existe depuis 26 ans. Depuis 24 ans elle mène une lutte pour l’introduction d’un revenu d’existence. Elle a des antennes en Espagne, au Portugal, aux Iles des Canaries et en Afrique. Elle lutte contre la criminalisation des gens simples, des enfants et des jeunes, dénonce la situation des personnes détenues en prison, et plus généralement, lutte pour les droits sociaux. Elle entretient des alliances stratégiques avec des syndicats anarchistes dans la perspective de la lutte des classes.

L’introduction d’un RMI avait été prévue dès 1993, au niveau européen. Le RMI est un droit, tel qu’il existe en France. Par contre, l’aide sociale n’est pas un droit, c’est une faveur accordée selon certaines conditions et sous condition d’une contrepartie. Les allocataires de l’aide sociale se voient reprochés une formation professionnelle insuffisante. L’UE et le FMI reconnaissent qu’il n’y a pas assez d’emplois (suffisamment rémunérés) et que nous devons vivre avec la précarité.

Dès 1985, la coordination Baladre a élaboré une proposition de loi pour l’introduction d’une renta basica. Au congrès de Hambourg en 2006, le modèle avait évolué vers un instrument pour amorcer un processus de transformations. L’objectif est la conception du citoyen comme sujet social actif, c’est-à-dire, de nous-mêmes comme citoyens ayant les mêmes droits. 1999, un consensus politique fut trouvé pour un modèle structurellement fort, c’est-à-dire, général, individuel, universel et à une hauteur suffisante.

Le mode de calcul retenu: on prend le produit national brut, le divise par le nombre d’habitants, puis prend la moitié (seuil de pauvreté). En 1999, ça donnait pour l’Espagne un montant d’environ 980,00 €. Nous avions besoin d’une formule mathématique plutôt que d’un montant final. Le 6 décembre 1999, nous avons soumis notre proposition aux partis politiques (cf. le texte distribué sur le Revenu Garanti des Egaux). Le modèle comprend 3 éléments importants : un fonds collectif qui reçoit tous les transferts sociaux, une assemblée générale annuelle des habitants d’un quartier avec un projet de résolutions à voter. 80% du fonds est distribué directement à chacun alors que l’AG décide l’application des 20% restants. Ici, le revenu garanti est une notion, c’est un moyen de mieux penser, et non pas un but, nous respectons d’autres chemins.

La question est de mieux connaître le mécanisme de financement. Aussi, la volonté politique de réaliser le RGI existe-t-elle ?

2. Les parties politiques et les syndicats. Présentation Ueli Mäder. Par Katja Kipping (vice-présidente DIE LINKE de), Mag Wompel (LabourNet), Urs Müller-Walz (président syndicat VPOD ch Bâle), Balthasar Glättli (co-président Les Verts canton ZH)

Katja Kipping : vice-présidente du parti depuis 2003, participe au conseil des chômeurs du land de Saxe. Nous nous trouvons dans l’ère de la précarité, l’exigence de la flexibilité nous affaiblit face aux tentatives de chantage. Son parti défend un RGI pour aller au-delà de l’Etat national et pour aboutir à une Europe sociale. Comment encourager les gens à s’engager dans cette voie ? L’idée d’un RGI est assez concret pour y participer. Marx : « Si les hommes sont saisis par une idée, elle devient force matérielle » (Wenn die Idee die Menschen ergreift, wird sie zur materiellen Gewalt). Balthasar Glättli cite Michel Foucault: « Pourquoi chacun de nous n’aurait-il pas le droit de faire de sa vie une œuvre d’art ? » (Wieso soll nicht jeder aus seinem Leben ein Kunstwerk machen dürfen ?). Mag Wompel : Il y a les personnes qui ne sont pas d’accord avec le RGI. Les syndicats récusent le RGI. C’est une position fatale pour eux, car le RGI est un pont pour vaincre le système du travail industriel salarié et la perte d’emploi (Lohnsklaverei und Arbeitsplatzverlust) et pour aboutir à une autre façon de vivre. Les syndicats voient dans le RGI le danger d’une scission entre les actifs et les allocataires. Les actifs ne veulent pas être considérés commes des parasites (les allocataires non plus, d’ailleurs, ndr). Des ponts sont possibles par des formes de redistribution autres que le seul salaire, par exemple la réduction du temps de travail. Ueli Mäder : le RGI soutient la solidarité et rend courageux. Il peut aussi renforcer des appétits personnels. Si l’on sépare contrat de travail, rémunération et cotisation sociale, qui voudrait encore faire le « travail sale ». Qui s’occuperait des « parasites » ? Urs Müller-Walz prévient qu’un ami bolivien va être reconduit à la frontière. Mag Wompel : Il faut empêcher cette mesure ! Elle récuse une fausse conception de justice : ce n’est pas parce que je vais mal que toi aussi, tu dois aller mal, et de rentabilité: il existent des alternatives au travail salarié. Mais avant tout, il faut élever les conditions de vie des plus faibles ! La hauteur du RGI est l’antidote de toute scission. Les conséquences de mesures tel que le salaire combiné à une allocation de compensation (Kombilohn) sont néfastes. Balthasar Glättli : aujourd’hui, les salariés ont l’impression d’être les propriétaires de leur poste de travail, il est vrai que le RGI met en question cette idée (la menace de licenciement également, ndr). Kipping : lorsque de l’introduction du projet Hartz IV, les syndicats n’affichaient qu’une resistance limitée. Mais les syndicats ne peuvent pas rester là à tourner les pouces. (Beat Ringger remplace Urs Müller-Walz.) Kipping : depuis 2003, il existe un nouveau phénomène, le précariat. Ça n’a rien à voir avec le prolétariat. Le précariat va au-delà de la lutte des classes. Il est important de tenir compte des arguments d’un adversaire, le débât contradictoire fait avancer la pensée. Aussi, il s’agit de nettoyer devant sa propre porte et en finir avec des vieux péchés, comme le fétichisme du travail après de la gauche. En 2008, il va falloir convaincre, les gens veulent travailler. Le RGI est là pour les sortir de l’isolation sociale. Ringger : je suis un politicien de la santé, il faut tenir compte du fait que pour un grand nombre de personnes, les possibilités de vie sont extrêmement limitées et nous n’avons pas à les mépriser parce qu’ils argumentent moins bien que nous qui sommes mieux placés. Il y a la possibilité de lutter pour une bonne façon de travailler. Mäder : il existent des personnes qui n’ont aucune chance, n’y a-t-il pas le risque que le RGI les marginalise d’avantage ?

Intervention du public : il faut plus de temps pour discuter cet argument. Avoir une activité procure du plaisir. Ce type de travail existe depuis longtemps dans les couches sociales privilégiées, mais non pas dans les couches sociales défavorisées. Les hommes refusent un travail qui n’a pas de sens. Il existent des formes de travail qui sont nuisibles, qui rendent schizophrènes. Un salarié ne commande pas son travail, un RGI permet de chercher un emploi satisfaisant.

Quelles actions peuvent et doivent être menées ? Les partis politiques ont avant tout une mission d’information et de formation. Créer des forums, le débât doit atteindre la vie au quotidien. Envoyer des lettres aux journaux pour corriger des descriptions erronées. Demander la boulangerie pour obtenir une part de gâteau, lutter pour s’émanciper de la dépendance du salaire, les salaires continuent à baisser si l’on ne lutte pas pour un RGI. Il est possible de réaliser ce pourquoi nous luttons, il suffit que nous le pensons possible. Garantir l’existence en travaillant, mais sans y être forcé.




Dimanche 7 octobre.

Séance de clôture. Le RGI – un droit de l’homme. Avec Peter Ulrich (prof, Institut für Wirtschaftsethik, Université St. Gallen ch), Brigitta Gerber (historienne, présidente du Grand Conseil de la Ville de Bâle), Franz Segbers (théologue ?), Nicole Lieger (L. Boltzmann Institut f. Menschenrechte at), Axel Demirovic (philosophe, Berlin), Denise Buser (prof de droit, Universite de Bâle), Ueli Mäder (prof de sociologie Université Bâle). Présentation par Margit Appel


Peter Ulrich : le RGI est un droit de citoyenneté économique (Wirtschaftsbürgerrecht)

  1. Droit de citoyenneté pour qui ? L’apatridité est une violation des droits de l’homme

  2. Ethique de la citoyenneté économique (economic citizenship) – le libéralisme républicain comme troisième voie. Le citoyen comme co-auteur de l’ordre public

  3. Différence d’avec l’étatisme social : une politique citoyenne émancipatrice au lieu d’une politique sociale compensatrice : il s’agit de sauvegarder le statut de citoyen économique

  4. Différence d’avec le libéralisme de marché : le citoyen réellement libre prime sur un marché « libre » : Pour une politique de régulation en deux temps. Le marché libre ne crée pas de liberté citoyenne, la concurrence est partisane des plus forts. Politique citoyenne et politique économique sont des domaines à traiter séparément. Nous nous trouvons dans une économie nationale hautement productive, il s’agit de trouver la forme de citoyenneté qui lui correspond, une qui sert à la vie.

  5. Quantité et qualité : commencer par introduire un RG partiel ; l’intention émancipatrice est primordiale, sinon, nous allons aboutir à un état social policier. Le droit au RG doit être incontestable. Le rôle du RG est de garantir l’existence, mais encore plus, celui d’élever successivement le niveau de vie. Pour ça, il faut travailler.

  6. Une politique commune pour les transferts sociaux et la fiscalite : la Basic Income Flat Tax

  7. Le chemin de la Suisse : évolution progressive de la AHV vers un RGU


Nicole Lieger : l’accès au RG doit être inconditionnel, il est indispensable de se libérer d’une pensée focalisée sur l’argent. Le but, c’est l’homme en liberté,l’argent n’est qu’un moyen. Ueli Mäder : n
ous avons aujourd’hui une espérance de vie de 770 000 heures, comment pouvons-nous trouver une hauteur du RGI suffisante pour combattre la paupérisation ? Brigitta Gerber : a découvert le RGI il y a 1 1/2ans environ. La pression bureaucratique ne favorise pas les nouvelles solutions. Aujourd’hui, le travail sale est fait par des migrants, ce sont eux qui maintiennent notre niveau de vie. Le RGI peut être un piège pour les femmes et agrandir leur paupérisation, aussi bien que le couronnement d’une nouvelle architecture sociale. Axel Demirovic : Le RGI en tant que thème social est capable de remettre en mouvement nos idées arrêtées s’il permet d’augmenter nos choix possibles, surtout celui de dire « non ». Il existe un droit à la paresse, au repos, à l’oisiveté. Se réfère à Paul Lafargue. Ne pas vouloir prédéterminer l’avenir depuis la tombe. Comment les citoyens réalisent-ils leur autodétermination ? L’éducation y joue un rôle fondamental. Quelles sont les conditions qui font que les hommes se mettent au travail ? Avant de s’engager dans un projet, il faut pouvoir en rêver. Mais quelle est la position de ceux qui doivent traverser la vallée des larmes ?

Denise Buser : Il est important de poser les conditions qui font que la déclaration d’une revendication ait la valeur d’une droit de l’homme. Il faut un consensus sur la justesse du RGI pour qu’il puisse être considéré comme un droit fondamental. Un droit fondamental est exempt de conditions (voraussetzungslos), alors que les prestations sociales sont au contraire soumises à nombre de conditions. Un RGI qui serait dû de façon inconditionnel revient à une affirmation sans réserve de l’avenir de l’homme. Aussi faut-il s’interroger sur l’idée que nous nous faisons de l’homme. Cette idée évolue. Aujourd’hui, c’est l’adulte (masculin, blanc, ndr), autonome et capable. Il faut justifier de la dépense des moyens.

Franz Segbers : Nous sommes à la fin d’une époque. Nous n’avons pas le droit d’accorder ou de dénier à qui que ce soit la dignité humaine.

Chacun doit former un groupe de murmures avec son ou ses voisins et discuter sur ce qui lui semble prioritaire. Mon voisin, un habitant de Stuttgart, s’intéresse moins à la question des droits de l’homme qu’aux possibilités et les manières de parler aux autres. Le droit à l’aide sociale est trop relié à des conditions indignes. Il anime un forum social local à Pforzheim. Il se demande comment augmenter l’intérêt public pour le RGI. Il est carreleur, son fils aîné de 30 ans partage cet intérêt pour le RGI avec lui. L’idée d’un fonds local géré par les citoyens lui plaît, mais il trouve prioritaire d’augmenter les chances de trouver du travail et une formation adéquats. Je lui parle de mes difficultés de susciter l’intérêt pour le RGI dans mon entourage où je ressens les réactions plutôt comme hostiles.

Conclusion par tous. Les peurs provoquées par l’idée d’un RGI révèlent une dimension psychologique à prendre très au sérieux. On peut constater que la pluralisation des circonstances de vie avance. La solidarité est un investissement qui doit frayer le chemin à la subsidiarité. D’autre part, nul ne peut se soustraire à la force d’une idée suffisamment mûrie et réfléchie. Il est important de garder le processus de réflexion en mouvement, de nouvelles formes de travailler et d’être actif(ve)s vont surgir. 2008 nous fêterons le 60e anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme : personne n’est illégal, personne n’est sans valeur.